Faire un pas de côté, s'éloigner des avenues et grands boulevards. Ce n'est pas dans les artères des villes que coule leur substance vitale, mais dans les petites ruelles, les quartiers reculés. Le cœur est en périphérie, pas dans les centres aseptisés faisant office de vitrines. Ici la petite maison où la dame est en train de monter, par un escalier extérieur (presque une échelle !), me fait penser à une cabane perchée dans les arbres. En bas, un joyeux bazar destiné à l'entretien des fleurs et des plantes, présentes un peu partout en abondance. La rue ressemble à un jardin collectif. Au premier plan, comme une aire de pique-nique où les habitants peuvent s'installer, discuter de tout et de rien, passer le temps à l'ombre du parasol et des arbres. La ville a pris des allures de village.
Dans son grand livre-monde, London Orbital, Iain Sinclair écrit :
"Je trouvais le terme fugueur beaucoup plus attirant que le désormais usé flâneur. [...] Fugueur était une bonne description de notre travail de marche, de notre accès mensuel de maladie mentale transitoire. La folie de plus en plus prononcée de la vie en ville (dans mon cas) et de la vie à la campagne (dans le cas de Renchi) nous obligeait à prendre la route. La joie de ces journées dehors repose sur l'intensification éprouvée de l'actualité du temps présent, la manière dont nous esquivons, pour un bref instant et dans un court espace, l'illusionnisme des conseillers en communication, des relais médiatiques et des menteurs salariés. La fugue est à la fois dérive et fracture. On ne peut ressaisir l'histoire du périple que par une forme d'hypnose, ou grâce aux aide-mémoire du journal ou de l'album photo. La preuve documentaire de ces choses qui auraient aussi bien pu ne pas arriver. La fugue est une course commando surnaturelle [...], ce qui rend supportable la vie parallèle, employé de gaz, aide-soignant ou plumitif littéraire."
Je m'aperçois que je n'ai jamais cessé de fuguer au Japon. Même une fois rentré en France.
ps : London Orbital, Iain Sinclair, Babel / Actes Sud, Trad. Maxime Berrée
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