C'était un jour de pluie. La guest house où je vivais alors, habituellement si animée, était plongée dans un calme étrange. Aucun bruit de pas, aucun son de vaisselle ni de cuisine. Pas de fragment de conversation non plus, que ce soit dans une langue ou une autre. Aucun éclat de rire, aucune exclamation ni musique ne filtrait à travers les fines cloisons des chambres. Le sol du couloir était une mer de silence et au fond, ce grand parapluie ouvert se tenait là, comme un fantôme. Un instant j'ai pensé : il n'y a plus personne, même là dehors, nulle part. Comme un enfant qui se réveille soudain sans repère et ne perçoit plus, en lieu et place de tout son monde familier, qu'une grande, une immense absence. Mais je n'ai appelé personne... simplement je suis retourné prendre l'appareil photo dans ma chambre.
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Deux solitaires sur une même image. Au fond à droite, un jeune salaryman s'accorde une courte pause, voûté par les heures de travail accomplies et celles à venir. Engoncé dans le carcan de son costume, mais encore sensible à la rivière qui s'écoule paisiblement en contrebas. Quelques instants de répit à l'écart de l'agitation humaine. Au premier plan en revanche, le chat semble s'être affranchi de toute domesticité. Bien campé sur ses pattes, à la fois endurci et usé par la rue, il jette un regard sévère et sauvage au troisième solitaire en présence : l'étranger derrière son objectif. Moi... à cette époque-là.
Souvent je n'osais pas photographier les visages. Mais vus de dos, alors qu'ils s'éloignent, les gens expriment aussi une part de leur personnalité. Elle transparaît de manière subtile dans leur démarche, leur silhouette, leurs vêtements. Le visage ne peut plus être le centre d'attraction principal et dès lors le regard se fait attentif aux autres détails. Ici la façon de porter le sac tout en tenant l'ombrelle du même côté, tandis que la main droite se balance au rythme des pas. Les vêtements sombres et surannés qui concordent avec les devantures défraîchies du quartier, mais surtout cette ombrelle qui crée comme une énigme impossible au centre de l'image. Dans un second temps c'est la blancheur du panneau, à gauche, qui attire le regard. Un restaurant coréen : barbecue, bibimbap et Jjigae (ragoût coréen) au menu. Puis l'enseigne du bureau de tabac, telle un repère au-dessus du mystère. Je repense à ces vers de Pessoa : "Je suis aujourd’hui part...
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